Elections 2000: Bush v. Gore. Facteur X: Database Technologies


Le 12 décembre 2017, il s'agissait du 17ème anniversaire de la victoire du président George W. Bush, alors festoyons avec un article. Les médias ont été plutôt clément à l'égard des États-Unis en comparaison du traitement médiatique réservé aux élections régionales vénézuéliennes qui ont fait les choux gras des médias en 2017. Retour en arrière...


Un événement hors contexte est comme un enfant sans parent, il est orphelin, en quête d'identité pour donner un sens à son existence. Il n'est qu'un détail, une tâche de peinture sur la toile que le critique d'art analyse en la resituant dans sa perspective et son ensemble. Les élections présidentielles américaines 2000 ne dérogent pas à ce principe. Elles ont été un prélude à la mise en place de la doctrine Bush initiée par son père lors d'un fameux discours le 11 septembre 1990, en pleine guerre du Golfe. Les attentats du 11 septembre 2001 ne peuvent être appréhendés sans mettre en perspective la prise de pouvoir aux forceps de George W. Bush.


L'élection présidentielle américaine, millésime 2000, exhale encore des relents de coup d'état. Cette élection restera sans nul doute dans les annales américaines, ceci pour plusieurs raisons. D'une part, le montant exorbitant dont ont bénéficié les deux principaux protagonistes pour financer leur campagne, écartant ainsi toute opposition. D'autre part, les circonstances tout à fait uniques qui ont abouties à l'élection du nouveau Président des États-Unis Et, enfin, l'identité du nouveau président, membre de la dynastie Bush, qui a arraché les rennes du pouvoir aux mains de la démocratie américaine, le dyslexique George W. Bush.


La famille Bush a côtoyé les plus puissants hommes de l'establishment américain et de la planète, Rockefeller, Harriman, Nixon, Ford ou Reagan, tout en montant au front, en première ligne sous les feux de l'ennemi. Un comportement que rechignait à adopter les Rockefeller, déjà suffisamment sous les feux des projecteurs à Wall Street. Seul Nelson Rockefeller, après avoir été appelé par Gérald Ford à l'époque du Watergate, à accepter d'exercer la haute fonction de vice-président des États-Unis dans les années 1970. Le Watergate et l'assassinat de J.F.K ont été des événements catalyseurs ayant entraîné un changement de pouvoir et de politique, pas seulement aux États-Unis mais aussi dans le monde entier. Un coup d'état dissimulé par une opération clandestine comme celle régulièrement menée par les services secrets américains depuis leur création. La prise de pouvoir de W. Bush a permis de faire un énorme pas en direction de l'instauration d'un nouvel ordre mondial via la doctrine Bush. Une guerre totale, sans fin, contre tous les opposants « terroristes » à la puissance américaine.


Après plus d'un mois d'incertitudes et de batailles juridiques, le dernier acte de ce scénario croquignolesque s'est déroulé à la Cour Suprême des États-Unis Le pays de l'oncle Sam s'est toujours gargarisé d'être l'incarnation parfaite de la démocratie malgré un système d'élection archaïque au suffrage universel indirect. Pourtant, l'année 2000 a été le théâtre d'une véritable crise démocratique. La voix du peuple américain a été pris en otage puis réduite au silence puisque ce sont des magistrats à travers la Cour Suprême des États-Unis qui ont désigné George W. Bush comme nouveau président.


Le système démocratique américain fonctionne selon le principe du suffrage universel indirect, ce sont donc les Grands électeurs qui désignent le nouveau président des États-Unis Le collège électoral américain est composé de députés, leur nombre est proportionnel à la population de chaque état, et de sénateurs, deux par état. Les députés et les sénateurs américains se réunissent au sein du Congrès américain comme le font nos politiciens à l'Assemblée Nationale. En 2000 le Congrès américain dénombrait 538 membres, soit 438 députés pour 100 sénateurs. Pour être élu au mois de novembre 2000, les candidats Bush et Gore devaient obtenir la majorité parmi 270 Grands électeurs. Tous les 10 ans ces chiffres sont mis à jour via un recensement de la population américaine. Ainsi le vote du peuple américain s'effectue par procuration à travers les Grands électeurs comme si en France notre président était élu par le Parlement français, non par le peuple.


Lors des élections présidentielles, la population américaine vote dans les 50 états, auxquels nous ajoutons la capitale fédérale : Washington D.C. En conséquence, plus la population d'un état est importante, plus le nombre des Grands électeurs sera élevé et plus les meetings des candidats seront nombreux. La majorité relative suffit à rafler la totalité des Grands électeurs attribués à un état. La logique est simple afin de remporter les présidentielles aux États-Unis, il est souhaitable de finir en tête des états à forte densité démographique pour obtenir un maximum de Grands électeurs plutôt qu'un état moins peuplé car le nombre de Grands électeurs sera inférieur. Un candidat peut ainsi remporter les élections présidentielles sans avoir obtenu la majorité populaire mais ayant seulement remporté les 11 états les plus peuplés parmi les 50 états américains ! C'est exactement ce qui s'est déroulé pour W. Bush. Lors de cette élection, les états clés étaient les suivants :

  • Californie : 54 Grands électeurs.
  • New York : 33 Grands électeurs.
  • Texas : 32 Grands électeurs.
  • Floride : 25 Grands électeurs.
  • Pennsylvanie : 23 Grands électeurs.
  • Illinois : 22 Grands électeurs.
  • Ohio : 21 Grands électeurs.
  • Michigan : 18 Grands électeurs.
  • New Jersey : 15 Grands électeurs.
  • Caroline du Nord : 14 Grands électeurs.
  • Georgie ou Virginie : 13 Grands électeurs.


En observant ces chiffres, et sans être un grand stratège politique, chacun comprendra qu'il est plus prolifique de faire campagne dans les états de Californie, New York, Texas ou encore de la Floride plutôt que dans le Vermont, le Montana, le Wyoming ou l'Alaska.



Ces élections ont opposé le candidat démocrate sortant Al Gore, ancien vice-président de Bill Clinton durant 8 années, au candidat républicain George W. Bush, ex-gouverneur du Texas. Il est anecdotique d'évoquer les autres candidats, uniquement présents pour créer l'illusion d'une adversité à l'instar du mirage démocratique américain. W. Bush avait un budget colossal de campagne provenant d'entreprises du secteur industriel, militaire, pharmaceutique, pétrolier, financier ou de donateurs privés. L'une d'entre elles était la firme Enron, à l'origine de l'un des scandales majeurs financiers de l'époque.


  • George W. Bush disposait de 193.088 .650 $, soit 106% du budget cumulé des 4 autres candidats réunis, ou 51% de la totalité des fonds engagés dans les élections présidentielles.
  • Al Gore 132.804.039 $.
  • Pat Buchanan 38. 806.146 $.
  • Ralph Nader 8 .433 .778 $.
  • Harry Browne 2.131.301 $.


De plus le soutien de Bush père n'est pas à négliger car son expérience est unique dans les domaines du renseignement, de la politique ou des affaires. Rappelons que Bush père a été ambassadeur des États-Unis à l'ONU de 1971 à 1973, ambassadeur « envoyé spécial » des États-Unis en République populaire de Chine de 1974 à 1975, ancien directeur de la CIA de 1976 à 1977, ancien vice-président des États-Unis de 1980 à 1988, président des États-Unis de 1989 à 1992, et un businessman averti avec le Groupe Carlyle entre autres. A partir du mois de septembre 2000, le père de W. Bush a parcouru les états indécis pour promouvoir l'image de son fils. Un autre membre de la famille a joué un rôle central dans la consécration de W. Bush, c'est son frère Jeb Bush, alors gouverneur de l'état de Floride, et qui s'avéra être un atout décisif dans la tournure de ces élections.



A cette époque, la population américaine comptait 282 millions d'habitants pour 203 millions de citoyens américains dont 12% d'afro-américains. Le 7 novembre 2000, jour des élections, plus de 105 millions d'américains se sont rendus aux urnes pour élire le 43ème président. Le taux d'abstention a été de 48,7%, faisant des États-Unis une piètre démocratie en terme de participation citoyenne, conséquence directe de leur système électorale basé sur la démographie et non sur le principe du suffrage exprimé : un citoyen = une voix. En comparaison, pour la France, le taux d'abstention pour les élections présidentielles 2017 a été de 26%. Selon un rapport de la chaîne CBS, ce sont 2 millions de bulletins de vote qui n'ont pas été comptabilisé à travers tout le pays.


Le soir des élections, contre toute attente, il a été impossible de désigner le nom du vainqueur. L'Amérique s'endormait quelque peu confuse, sans connaître le visage de son futur président. Les spécialistes des médias nous informaient que le dénouement des élections se déroulerait dans le « swing state » de Floride. Pendant quelques heures, Al Gore fut seul en tête, aussi bien avec le vote populaire qu'en terme de Grands électeurs mais bientôt la situation allait changer...


La magie Fox News, W. Bush is the winner !

Le 8 novembre, très tôt (2h16), Fox News Channel psalmodiait la victoire de George W.Bush dans l'état pivot de Floride avec une avance de 50.000 votes alors qu'il restait encore environ 179.000 votes à comptabiliser. Nous apprendrons par la suite que cette donnée était inexacte puisqu'il restait encore 359.000 votes à décompter. Sur la base de l'expertise de John P. Ellis, et avec l'accord du vice-président de la chaîne John Moody, le présentateur de Fox News Channel, Brit Hume, relayait cette information biaisée. Grâce à cette annonce le clan Bush portait un coup quasi létale aux démocrates. Quelques minutes après, sous la pression du direct, les autres chaînes de télévision, NBC, CBS, CNN et ABC, emboîtèrent le pas de Fox News Channel. Pendant ce très court laps de temps Al Gore avait concédé la victoire à W. Bush par téléphone. Cependant, il se rétracta rapidement en apprenant que l'état de Floride avait été remporté par le candidat républicain avec moins de 6.000 votes, une marge inférieure à celle prévue par la loi dans l'état de Floride (<0,5%). Mais la manipulation du camp W. Bush avait déjà semé les graines de sa future victoire dans l'esprit de l'opinion publique américaine. Le camp Al Gore se trouvait dans une impasse pouvant causer plus de dommages à l'image de la démocratie américaine, transformant ces élections en un cirque juridique, au lieu de s'être contenté de concéder définitivement leur défaite au camp républicain.


Moins d'une heure après la première annonce de Fox News Channel, W. Bush avait perdu toute son avance, il ne menait plus que d'une courte tête avec 6.000 votes. Peu après les médias revenaient sur leur précédente déclaration. Ces élections devenaient pour le moins rocambolesques et le rôle des médias était extrêmement partisan envers W. Bush. Finalement, dans la matinée, les résultats laissaient apparaître W. Bush avec une avance de 1.784 votes d'avance sur Al Gore.


Le cousin paternel de W. Bush et de Jeb Bush, John Prescott Ellis, travaillait chez Fox News Channel au moment de ces élections. Il était le responsable de l'équipe couvrant le scrutin présidentiel pour la chaîne Fox News. Il avait un accès en direct à l'évolution des sondages sur les écrans de contrôle et disposait de tous les outils nécessaires pour observer les variations, les projections, les écarts entre les deux candidats.


Cette nuit là, John Ellis a entretenu plusieurs conversations téléphoniques avec ses deux cousins, W. Bush et Jeb Bush, en relation directe avec les données qu'il collectait via son bureau de Fox News Channel. Cette posture professionnelle était en violation de la clause de confidentialité fixée par le contrat liant Fox News à Voter News Service (VNS). VNS était le consortium responsable de fournir les résultats des sondages aux chaînes de télévision (Fox, ABC, CNN, NBC et CBS). Début 2003, VNS était démantelé et remplacé par le National Election Pool (NEP). Aux premières loges, John Ellis avait pu observer l'avance de cousin Dubya (W. Bush) s'évaporer juste avant leur premier contact téléphonique. Cette information diffusée par une chaîne pro-républicaine résonna comme le générique de fin d'une super-production américaine. Un effet trompeur mais qui s'insinua et s'affirma dans l'esprit des citoyens américains comme une vérité, celle de leur première impression. George W. Bush était déjà le président des États-Unis dans l'imagerie collective. L'atout John Ellis avait été abattu d'une main de maître par le clan Bush installant le camp Al Gore dans le rôle de l'empêcheur de tourner en rond. Le député Henry Waxman (D-CA) déclarait à propos de la couverture médiatique des présidentielles 2000 : « Parmi tous les événements qui se sont déroulés pendant cette nuit d'élection, c'est celui qui a eu l'impact le plus prédominant. Il a créé la présomption que George Bush avait remporté les élections ».


John Ellis a été engagé par Roger Ailes, président de Fox News Channel depuis 1996. Ce dernier a participé à la campagne présidentielle de Bush père en réalisant un spot publicitaire polémique (Revolving Door : histoire de Willie Horton) contre le candidat démocrate Michael Dukakis. Son rôle de consultant pour les médias a permis à Roger Ailes de développer des affinités avec les présidents Nixon, Reagan et Bush père. Cependant, en 2016, il a été contrait de démissionner de la chaîne qu'il avait contribué créé suites à diverses accusations de harcèlement émanant de ses employées. Nous pouvons considérer que la chaîne française BFMTV de Patrick Drahi s'est largement inspiré de son homologue Fox News Channel pour s'installer durablement en France comme la chaîne de référence informative en continu.


En engageant les services de John Ellis, Roger Ailes a délibérément contrevenu à la déontologie du journalisme. Peu avant, John Ellis avait lui-même démissionné du Boston Globe car sa loyauté envers sa famille était plus importante que celle à l'égard de sa profession. Au mois de juillet 1999, il avait réaffirmé ses engagements envers sa famille et tenu ces propos : « I am loyal to my cousin.... I put that loyalty ahead of my loyalty to anyone else outside my immediate family. That being the case, it is not possible for me to continue writing columns about the 2000 presidential campaign ». Malgré cette posture professionnelle, cela n'a pas empêché Roger Ailes de recruter John Ellis pour gérer l'élection présidentielle impliquant l'un de ses cousins paternels.


Toutes les professions, le journalisme n'y échappe pas, sont régies par un code de déontologie ou une éthique professionnelle. Pour le domaine journalistique, il s'agit de la Charte de Munich sur les devoirs et les droits des journalistes, dont voici un extrait du préambule :


« Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain ».
« Ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes ».
« La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics ».
« La mission d’information comporte nécessairement des limites que les journalistes eux-mêmes s’imposent spontanément. Tel est l’objet de la déclaration des devoirs formulés ici ».


La démission de John Ellis du Boston Globe en vue des élections présidentielles 2000, accompagnée par une justification pleine de bon sens, prouvait qu'il savait ce qu signifiait la notion déontologie professionnelle. Alors pourquoi a t-il agi sans l'once d'un scrupule durant les élections 2000, privilégiant ses intérêts personnels à ceux de la nation? Au regard des événements, à postériori, il faut sans doute interpréter sa démission du Boston Globe comme une mise en scène. Et que dire au sujet de la complicité des dirigeants de Fox News, incluant John Moody, Roger Ailes et Rupert Murdoch?


Matthew Freud, fils de Clément Freud et arrière petit-fils de Sigmund Freud, est en filiation directe avec Edward Bernays, neveu par alliance de Sigmund Freud et reconnu comme étant le pionner « des relations publiques », autrement dit la propagande politique, le conditionnement des masses ayant pour finalité la fabrique du consentement de l'opinion publique. Matthew Freud exerce la même activité que feu Edward Bernays, il a d'ailleurs racheté la société d'Edward Bernays via Freud Communications. Il a été marié à la fille de Rupert Murdoch, Elizabeth Murdoch, le magnat des médias aux Etats-Unis via News Corporation, la maison mère de la chaîne Fox News. Ils s'étaient connus en 1997. Grâce à cette union, Rupert Murdoch a pu accéder à l'antre de la psychanalyse et de la propagande à travers Freud et Bernays.




Jeb Bush, quant à lui, commença à agir dès le début de l'année 2000 en supprimant presque la totalité du programme de discrimination positive de Floride ce qui entraîna des manifestations de la communauté noire dans la capitale de la Floride, à Tallahassee, au mois de mars 2000. Le manque ou l'inexistence de financement destiné à encourager les superviseurs des élections de Floride afin de fournir à tous leurs concitoyens les compétences nécessaires pour accomplir leur devoir est manifeste. Jeb Bush a investi $0 pour la formation civique de ses citoyens alors qu'il avait dépensait plus de 3 millions de dollars pour obtenir une purge des listes électorales de la Database Technologies (DBT) afin d'offrir la présidence à son grand-frère. Cynthia Talkov, l'une des membre appartenant à l'équipe chargée des élections sur Fox News, a confirmé que John Ellis a reçu le feu vert de la part de Jeb Bush.


L'affaire des « butterfly ballots », Palm Beach, FL

Avec moins de 2.000 voix d'écart, le vote dans l'état de Floride ne pouvait être validé. En cas de litige, la loi en Floride, variant selon les états, préconisait le recomptage automatique des votes si la marge d'erreur était inférieure au seuil de 0,5%. Si tel était le cas, le recomptage automatique devait s'effectuer dans les 67 comtés de l'état de Floride. Ainsi lorsque le camp démocrate s'était rendu compte de cette situation, Al Gore décida de rappeler W. Bush pour lui faire savoir que « les circonstances ont changé depuis notre dernier échange », et les procédures de recomptage automatique commencèrent.


Les premières anomalies autour de ces élections commencèrent à fuiter avec l'affaire des 19 000 « butterfly ballot » dans le comté de Palm Beach. Des bulletins de vote qui ont été déclarés nuls ou comptabilisés par erreur pour le mauvais candidat ; Pat Buchanan au lieu du candidat républicain Al Gore. Paradoxalement, ces bulletins étaient conçus de telle manière que le vote pour le candidat républicain ne pouvait être la cible d'aucune erreur. C'était la première affaire de ces élections, celle des « bulletins papillons ». Les électeurs de Palm Beach décidèrent de réclamer la tenue d'un autre scrutin dans leur comté à cause de la complexité du bulletin de vote. La difficulté, ou plutôt la subtilité de ce bulletin, résidait en sa présentation trompeuse qui perturba un certain nombre d'américains.





Or la machine de comptage avait deux solutions, comptabiliser un vote ou le considérer comme nul. En effet, deux marques sur un même bulletin étaient analysées par les machines comme un vote nul. Le citoyen américain se rendant parfois compte de son erreur décidait, après le premier poinçon, de poinçonner une seconde fois afin de valider correctement son vote. Résultat, la machine validait parfois un vote Buchanan au lieu d'une intention pour Al Gore et parfois un vote nul pour la présence de deux poinçons. En conséquence, le candidat démocrate Al Gore a clairement été lésé par cette présentation peu clairvoyante du bulletin de vote. Pat Buchanan a reconnu le manque de clarté des bulletins, pouvant engendrer des erreurs à la fois humaine et technique. Il admettait même qu'une partie de ses votes auraient dû être attribué à Al Gore.


Le 9 Novembre, la plupart des médias donnèrent des résultats préliminaires, tout en se préservant cette fois-ci de se prononcer sur l'identité d'un potentiel vainqueur. Ce jour-là, le camp démocrate demanda un recomptage manuel dans 4 comtés à majorité démocrate : Miami Dade, Broward, Volusia et Palm Beach. De plus, les résultats ne pouvaient être que partiels puisque les bulletins de vote des citoyens américains stationnés à l'étranger n'avaient pas été encore pris en compte, la date butoir étant fixé au 17 Novembre. Cela représentait environ 2.000 bulletins et ce n'était pas négligeable étant donné la crise démocratique que traversait les États-Unis Le 10 Novembre, le décompte automatique des votes dans l'état de Floride arrivait à son terme et l'avance de W. Bush avait chuté à 327 votes ! Décidément, plus que jamais la valeur des 2.000 bulletins étrangers pouvaient s'avérer déterminante.


Puis le décompte manuel commença dans les comtés réclamés par le camp démocrate. Le 13 Novembre, la secrétaire d’État de la Floride, Katherine Harris, confirmait la date pour la clôture du décompte manuel des votes au 14 Novembre, date après laquelle plus aucun vote ne serait comptabilisé. Le lendemain, le comté de Palm Beach reprenait son comptage manuel malgré le peu de temps qu'il leur était imparti. Katherine Harris faisait appel de cette décision devant la Cour Suprême de Floride, elle rejetait son injonction. Les comtés de Palm Beach et de Broward pouvaient poursuivre le décompte manuel des votes. En date du 16 Novembre, on dénombrait environ 27 affaires en cours de jugement, du jamais vu, ces élections présidentielles étaient le théâtre d'une véritable crise constitutionnelle. Le rôle et les droits du citoyen étaient relégués au second plan, aux antipodes de la démocratie. De nombreuses procédures eurent lieues devant différentes cours de justice :

  • la 11ème Cour d'Appel des USA à Atlanta.
  • la Cour Suprême de l'Etat de Floride.
  • la Cour Suprême des États-Unis, représentant la plus haute juridiction du pays.

Le 19 novembre 2000, un mouvement contestataire, fomenté par des activistes à la solde des républicains, s'était constitué afin d'enrayer le recomptage manuel des votes dans le comté de Miami-Dade. La plus célèbre station de radio hispanique, Radio Mambi, avait appelé les cubano-américains à protester contre le recomptage des votes. « Nous essayons d'arrêter le recomptage ; Bush a déjà gagné », déclarait Evilio Cepero, un reporter de Radio Mambi. « Nous avons exhorté les gens à descendre dans la rue pour manifester et protester contre cette injustice ». Sur place, certains d'entre eux ont été identifié comme étant des soutiens à la campagne présidentielle de W. Bush. Trois d'entre eux, Matt Schlapp, Garry Malphrus et Rory Cooper, ont d'ailleurs connu une ascension politique et/ou professionnelle symptomatique de leur implication. La foule aurait atteint environ 150 personnes. Cet événement s'est déroulé au centre de dépouillement du comté de Miami-Dade et fut baptisé le « Brook Brothers riot » par les médias.


La Cour Suprême nomme W. Bush président des Etats-Unis

Finalement, le 26 Novembre, la secrétaire de l'Etat de Floride, Katherine Harris déclarait Bush grand gagnant de la Floride. Dans la foulée, le gouverneur Jeb Bush homologuait le résultat, W.Bush avait officiellement 537 votes d'avance sur 6 millions de suffrage exprimé en Floride. Pendant ce temps là, les avocats des camps démocrates et républicains se livraient une lutte juridique sans merci, nous laissant spectateur d'un invraisemblable feuilleton dans lequel la démocratie américaine a été bafoué. En réalité W. Bush a été élu président des États-Unis au nombre de cinq voix, celles des cinq juges de la Cour Suprême, ceux-là même qui ont été désignés par des anciens présidents dévoués aux républicains. William Rehnquist, Antonin Scalia, Clarence Thomas, Anthony Kennedy et Sandra Day O’Connor sont les juges qui ont changé le destin des États-Unis et du monde.


Janet Rehnquist, fille de William Rehnquist, a été engagé par W. Bush au poste d'Inspecteur Général du département d’État de la santé et des services sociaux en 2001. Elle démissionnait en 2003, alors sous le coup d'un audit mené par le GAO pour malversation, incluant le retardement d'une investigation concernant un fonds de pension basé en Floride. Plane encore ici l'ombre du gouverneur Jeb Bush. Le président W. Bush renvoyait aussi la faveur au fils d'Antonin Scalia, Eugene Scalia, pour un poste au département du Travail entre 2002 et 2003. Deux juges de la Cour suprême ont ensuite été nommé par W. Bush durant ses mandats, il s'agit de John Roberts, à la place de William Rehnquist, et de Samuel A. Alito en remplacement de Sandra Day O'Connor.


Le 12 Décembre 2000, la Cour Suprême des États-Unis rendait son verdict, le peuple américain allait enfin connaître officiellement le nom du président. Dans un premier temps, la Cour procédait à l'annulation du dernier décompte manuel (7 voix contre 2), invoquant l'absence d'équité dans le processus de décompte des votes à travers les différents comtés de Floride. L'existence de méthodes différentes dans les bureaux de vote pour réaliser le décompte serait une violation de la clause de « protection égalitaire des processus électoraux » du 14ème amendement, par conséquent le comptage a été déclaré clos. Lorsque nous savions que l'état de Floride utilisait 5 types de procédés différents pour enregistrer et comptabiliser les votes, il semblait prévisible d'avoir autant de moyens employés pour le recomptage automatique ou manuel des votes. Ce qui était légalement acceptable pour comptabiliser les votes ne l'était plus pour le recomptage mais ce n'est pas tout. L'argument est fallacieux car il aurait dû invalider bon nombre d'élections passées s'il devait être appliqué puisqu'un objet ne possède pas de droit constitutionnel, le processus de vote est à considérer comme l'objet. En effet, la Cour ayant considéré le recomptage manuel des votes comme une violation de la clause de « protection égale » ; par corrélation le comptage automatique devenait lui aussi illégitime, rendant caduque toute élection américaine. Le 14ème amendement ne concerne t-il pas un sujet plutôt qu'un objet, autrement dit un citoyen plutôt qu'une machine ou un processus de recomptage ? La Cour Suprême des États-Unis a dévoyé le 14ème amendement qui octroie une égalité des lois pour tous les citoyens américains, non pas pour tous les processus de recomptage de vote.


Puis la Cour rendit le verdict final que le monde entier trépignait de découvrir, le président non élu par le peuple allait être nommé par des juges. La Cour décida par 5 voix contre 4 que le « délai pour le recompte des votes était dépassé », mettant ainsi un terme aux conflits juridiques. Une opinion toute aussi discutable, acquise par la majorité d'une courte tête. Cette unique voix à déterminer à elle seule l'avenir du peuple américain, en cela aussi c'est fort critiquable puisque les juges n'ont pas été unanime dans leur décision. La Cour, en vertu de l'arrêt Bush v. Gore, a offert le bureau ovale à George Walker Bush avec 537 voix d'avance, soit 0,009% de l'électorat de Floride, la plus petite différence constatée lors de ces élections, largement en dessous de la limite autorisée par la loi en Floride (0,5%). L'écart constaté était le même que celui exprimé le 26 Novembre par Katherine Harris. Le 13 Décembre, Al Gore reconnaissait officiellement la victoire du républicain Bush.


La purge raciale via la Database Technologies DBT

Dans l'état de Floride, les personnes avec un casier judiciaire ne peuvent pas participer aux élections, cela concerne en majorité les afro-américains. Cette loi est un héritage de l'époque esclavagiste (1868), un état pouvait bannir des listes électorales toute personne ayant un casier judiciaire à moins que le gouverneur n'use de son droit de grâce. Cette loi visait implicitement les afro-américains qui, pendant l'esclavagisme, étaient la cible d'une répression policière plus stigmatisante que les blancs. La population afro-américaine était constituée de 12% de votant dans l'état de Floride dont 44% d'entre eux se sont retrouvés sur la liste de purge électorale. Sous la houlette de la secrétaire d’État en Floride, Katherine Harris, une purge des listes électorales a été entreprise. A son arrivée, en 1998, elle avait modifié le personnel de la cellule chargée de contrôler les élections (Division of Elections), désignant Clayton Roberts (octobre 1999-2002) comme nouveau responsable. Lui et un mandataire du bureau des élections, Emmett Mitchell IV, ont participé à une opération visant à purger les ex-délinquants des listes électorales.


Emmett Mitchell IV quittait son poste, à la division des élections, peu après l'élection de W. Bush pour poursuivre sa carrière d'avocat, notamment en tant que conseiller du parti républicain (GOP) de Floride. Il est à l'origine de l'écriture du House Bill 1355 pour la Floride en 2011, une loi controversée touchant au processus électoral. L'ascension de Clayton Roberts a été encore plus fulgurante, avocat de formation, il est donc devenu responsable de la Division of Elections juste avant les élections présidentielles, il a ensuite exercé ses talents aux cotés du procureur général de Floride, Charlie Crist, qui succéda lui-même à Jeb Bush au poste de Gouverneur de Floride en 2007. Cette année là, Clayton Roberts devenait membre de la First District Court of Appeal, la plus haute juridiction dans l'Etat de Floride.


Synthèse
Database Technologies
Division of Elections (Roberts, Mitchell)
Secrétaire d’État de la Floride : Katherine Harris
Gouverneur de la Floride : Jeb Bush
Candidat du GOP à l'élection présidentielle : George W. Bush




La loi spécifique à l'état de Floride prévoyait la suppression des listes électorales de tous les délinquants mais aussi des ex-délinquants. La Floride appartenait au cercle fermé des quatorze états américains ayant conservé cette position vis-à-vis des criminels. La réhabilitation des droits civiques est loin de ressembler à une sinécure pour ces citoyens américains. Les républicains se sont appuyés sur cette faille du système pour émousser l'électorat de Floride et diminuer l'impact du suffrage électoral dont pouvait bénéficier les démocrates.


Les auditions de la Commission américaine des droits civiques ont mis à jour une discrimination en rupture avec la loi américaine du Voting Rights Act (1965). Les rôles de Jeb Bush, Katherine Harris et d'autres républicains, sont clairement établis. Ils ont œuvré ensemble pour gérer l'avance acquise par leur parti. L'épisode DBT a été l'un des rouages fondamentaux de la stratégie républicaine pour offrir l'état de Floride à W. Bush au regard de la marge de 537 votes. Mais d'autres dysfonctionnements témoignant d'un laxisme ou d'une intention d'altérer le processus démocratique dans l'état de Floride ont été relevé par la Commission américaine des droits civiques :

  • Au moins un point de contrôle de police non autorisé a été installé le jour de l’élection près d’un bureau de vote pour intimider les électeurs.
  • Des citoyens n'ayant commis aucun crime ont été radié des listes, conséquence de la politique de purge commanditée par Jeb Bush et Katherine Harris via la liste DBT.
  • Quelques bureaux de vote ont fermé avant l'horaire prévu ou ont tout simplement été déplacé sans avertissement préalable.
  • De nombreux électeurs haïtiens et portoricains n'ont pas bénéficié de l'assistance linguistique requise.
  • Les personnes souffrant d'incapacités motrices ont été confrontées à des difficultés d'accessibilités dans certains bureaux de vote.
  • Le matériel nécessaire au vote qui se trouvait dans les quartiers pauvres était obsolète et défectueux.
  • Peu de citoyens du milieu ouvrier ont pu être formé car les fonds investis par Jeb Bush en Floride étaient trop inexistant.

A toutes ces péripéties, venaient se greffer un système électoral complexe et hétérogène, n'offrant aucune réelle garantie, autorisant les erreurs et toutes les manipulations. Il existait 5 types de procédés différents pour voter en Floride. De plus, la fiabilité des machines de comptage automatique des votes n'est pas fiable à 100%. Une loi au Texas, créée par Bush père alors gouverneur du Texas à l'époque, conseille de recourir à un comptage manuel en cas de litige car il est considéré comme plus fiable. Pour tenter de résoudre ce problème, une nouvelle loi fut adoptée le 29 Octobre 2002 afin d'éviter une fraude électorale. Le Help America Vote Act (HAVA) vise à garantir le remplacement et l'uniformisation dans tous les états, des équipements désuets par un matériel accessible et fiable, créant de facto une nouvelle agence au sein du gouvernement américain : Election Assistance Commission (EAC). Le HAVA débloquait la somme de $3,5 milliards pour la cellule EAC, ouvrant les portes à un nouveau marché pour l'acquisition d'un système de vote. Les avis divergent sur l'utilité de l'EAC, jugé lent, inefficace voire outrepassant leurs attributions.


Clayton Roberts et Emmett Mitchell IV ont fait plusieurs appels d'offre pour déléguer ce travail à une société. Finalement cette tâche a été confié à une entreprise privée, la Database Technologies (DBT). Le montant de la transaction s'élève à $3,2 millions. La DBT a compilé une liste de 173.127 personnes identifiées comme potentiellement inéligibles, comprenant des homonymes, des morts, des ex-délinquants, dont 57.746 étaient des criminels. Cette liste a été ensuite transmise aux superviseurs des 67 comtés par l'intermédiaire du département d’État de Floride. Des lettres ont ensuite été écrites par les superviseurs des élections et adressées aux personnes identifiées sur la liste fournie par DBT pour « vérifications ». Ion Sancho, un superviseur dans le comté de Leon, a rédigé un courrier de ce type :


« Votre identité a été transmise à notre bureau des élections de Floride, s'inscrivant dans une liste d'électeurs n'ayant pas rétabli leur droit de vote pour avoir prétendument été reconnus coupables d'un crime. Nous ne connaissons pas la fiabilité de cette liste. Nos services ont été requis pour supprimer de la liste électorale les personnes ayant été reconnu coupable d'un crime et dont les droits de vote n'ont pas été restauré ».


Les personnes destinataires de cette lettre avait l'obligation de prouver leur innocence en remplissant un formulaire, dans les 30 jours à réception de la présente lettre, au risque de voir leur nom supprimer des listes électorales.


Les prérogatives du contrat entre par la DBT et la Division of Elections de Floride étaient de ratisser large en augmentant les critères de sélection, l'exactitude des résultats n'était pas essentielle pour les républicains. Or, il est avéré, depuis la Commission américaine des droits civiques qui s'est réunit à plusieurs reprises entre les mois de janvier et février 2001 en Floride, que la communauté afro-américaine avait « 10 fois plus de chance que les citoyens blancs » de se voir interdire le droit de vote. La purge de la DBT commanditée par le Gouverneur de Floride, Jeb Bush, violait à la fois la section 2 du VRA, une partie de la section 2 du 14ème amendement de la constitution et le principe même du 15ème amendement de la constitution américaine :


« Le droit de vote des citoyens des États-Unis ne sera dénié ou limité par les États-Unis, ou par aucun État, pour des raisons de race, couleur, ou de condition antérieure de servitude ».


La DBT a été un instrument supplémentaire dans l'arsenal républicain pour leur permettre de remporter ces élections présidentielles, avec l'assentiment de Katherine Harris et du gouverneur Jeb Bush. Les gesticulations de Katherine Harris lui ont permis d'obtenir un siège au Congrès américain, après son élection à la chambre des Représentants entre 2003 et 2007 dans le 13ème district de Floride. Par un heureux hasard, les profils visés par cette purge électorale concernaient majoritairement des citoyens américains susceptibles de voter pour un candidat démocrate, comme les pauvres, les ex-délinquants, les latinos ou encore les noirs. Une circonstance toujours favorable à l'intérêt d'un seule homme, George W. Bush, tout comme l'annonce prématurée de sa victoire par Fox News Channel.


La Database Technologies a.k.a Autrotrack a.k.a Accurint a.k.a MATRIX

Que savons nous de la DBT, de sa courte histoire, et qui est son créateur ? Hank Asher, âgé de 61 ans, est mort paisiblement à son domicile en 2013. Le cerveau de la DBT était un citoyen américain reconnu en tant qu'inventeur, entrepreneur, philanthrope et affublé du titre symbolique de « père de la data fusion » (fusion de données). A titre d'exemple le concept du moteur de recherche Google est basé sur de la data fusion mais Hank Asher était AVANT Google, c'est en cela qu'il est particulier.



Hank Asher a été un précurseur, un pionner en matière de cyber-investigation, il est le concepteur d'un programme informatique tout droit sorti d'un univers de science fiction tel Minority Report. Hank Asher a employé la technologie Clarion, un langage informatique utilisé pour les interfaces de Windows. L'un de ses collaborateurs, Bruce Barrington, n'est autre que l'inventeur de Clarion. Depuis 40 ans nous connaissons l'essor d'internet, un accès rapide, avec un clic, à n'importe quelle information. L'être humain n'en est pas encore revenu, il n'a absolument pas dompté ni compris à quoi pouvait bien lui servir l'outil le plus puissant créé par l'homme : internet. Aujourd'hui, au XXIe siècle, imaginez-vous une plate-forme informatique permettant de résoudre des affaires criminelles ou d'enlèvements. Un outil assez puissant pour accéder directement à toutes les données personnelles concernant un individu, permettant sa localisation immédiate s'il figure dans la base de données. Le programme Autotrack a fait ses preuves entre les mains de son créateur. Hank Asher était capable de trouver n'importe quel individu à partir de sa machine, une information anodine pouvait suffire, nationalité, âge, sexe, taille, couleur de peau, profession, modèle de voiture, coordonnées téléphoniques... Quand Google cherche des informations, le programme Autotrack cherche des êtres humains.


Autotrack n'est pas une intelligence artificielle mais un moteur de recherche ultra puissant capable de compiler et comparer une quantité innombrable de données afin de trouver une information avec une rapidité sidérante. Hank Asher est un pionner en la matière, il est à l'origine de trois projets, Autotrack avec DBT (1992), Accurint (aka MATRIX) avec Seisint (1998) et The Last One (TLO 2003), tous des outils ultra puissants destinés à rechercher, identifier et localiser un individu. Pour information le projet Google datait de 1996, il n'a que 21 ans d'existence tout comme le réseau internet qui balbutiait fin des années 1990.


Durant les années 1980, Hank Asher a été accusé de trafic de cocaïne, il était devenu passeur de drogue de manière fortuite et quelque peu contraint par un contexte particulier, celui des Bahamas. Cela dura quelques mois entre les années 1981 et 1982. Durant les années 80, les îles du Bahamas était un lieu de transit pour le trafic de drogue entre les États-Unis et la Colombie. A cette époque vivre au Bahamas c'était prendre le risque d'être embarqué dans le lucratif business du trafic de drogue. Le fait de posséder un bateau ou un avion augmentait encore plus les opportunités de devenir un passeur de drogue. Mais pour éviter toute poursuite judiciaire, Hank Asher concluait un marché avec la DEA grâce à son ami avocat Lee Bailey. Un illustre avocat américain ayant participé à la défense de grands criminels comme Sam Sheppard, le Capitaine Ernest Medina, concerné par le massacre de My Lai au Vietnam, ou encore O.J. Simpson. Tous coupables mais libérés tel était le talent de Lee Bailey.


Le parcours d'Hank Asher est atypique, certains événements de la vie l'ont visiblement poussé à vouloir créer un procédé capable de mettre hors d'état de nuire très rapidement des criminels ou de retrouver des enfants disparus. En 1981 l'enlèvement d'Adam Walsh à Hollywood, dans le comté de Broward en Floride, aurait stimulé l'esprit inventif de Hank Asher. Peu après la disparition tragique de son jeune fils, John Walsh, proche d'Hank Asher, a créé en 1981 une organisation à but non lucratif. Grâce à son activisme il est devenu une source d'inspiration pour la promulgation de plusieurs lois dans le domaine de la protection de l'enfance aux Etats-Unis. John Walsh a également été le présentateur de l'émission America's ost Wanted pendant 24 ans, une émission d'investigation sur la chaîne de télévision Fox. En 1984 il contribua à la création d'une organisation à but non lucratif pour les enfants disparus, abusés et exploités, appelée le National Center for Missing & Exploited Children (NCMEC), avec l'appui du président Ronald Reagan. En 1990 la NCMEC fusionnait avec la première association de John Walsh et de sa femme.


La NCMEC a réussi à retrouver 208.000 enfants disparus en 31 années d'existence. A partir de 1992, l'une des premières utilisations pratiques d'Autotrack a été pour le NCMEC. Hank Asher a offert gratuitement sa création au NCMEC, un outil dont 99% des services de police n'étaient pas équipés. Ernie Allen, co-fondateur et président pendant plus de 20 ans du NCMEC, expliquait qu'à cette époque les 18.000 services de police fédérale ne communiquaient pas entre eux ; ajouté à ce constat un pays composé de 50 états qui agissent indépendamment. Selon Ernie Allen, 109 enfants disparus ont pu être retrouvé entre 1996 et 2004 grâce au système Autotrack. La réputation et l'efficacité de la technologie de DBT n'était plus à démontrer.


Hank Asher devait quitter la DBT fin 1998, le FBI et la DEA n'ayant pas renouvelé leur contrat. Ajouté à cela une campagne de déstabilisation harassante visant sa probité, son intégrité et ses compétences. Hank Asher céda ses parts détenues dans la DBT pour un montant de 147 millions de dollars en 1999. Kenneth Langone, un financier de Wall Street, avait acquis la DBT et la technologie Autotrack via ChoicePoint, une société dont il était co-fondateur et dirigeant. Kenneth Langone a probablement été l'un des responsables de l'éviction de Hank Asher.


Pendant les épisodes judiciaires qui l'opposaient à Kenneth Langone, pour un prétendu vol de technologie, Hank Asher se gaussait des bassesses de l'émissaire de la finance car le cerveau c'était lui. Le schéma se répéta pour chacune des sociétés de Hank Asher mais il avait toujours un clic d'avance, en créant d'autres sociétés dans lesquelles il perfectionnait son concept d'origine : Autotrack. Il comparait, non sans malice, la puissance d'Autotrack et de son dernier produit Accurint, rappelant que le premier était né en 1992. Sa société Seisint a été vendu en 2004 à LexisNexis pour 775 millions de dollars.


La société Seisint créée en 1998 par Hank Asher a compté parmi son conseil d'administration des membres tels que Bill Shrewsbury, ancien agent des forces de police de l'Etat de Floride (FDLE), James Milford, agent de la DEA, Brian Stafford, chef des services secrets du département de la sécurité intérieure des États-Unis, et Bruce Barrington, l'inventeur du langage informatique Clarion. Hank Asher démissionna de Seisint au mois d'août 2003 après que des révélations sur son passé de « trafiquant de drogue » eut été diffusé pour le discréditer. Pourtant Hank Asher était aussi et surtout l'architecte d'une technologie grâce à laquelle le NCMEC a retrouvé 109 enfants disparus. Certains esprits malveillants s'acharnaient à faire de Hank Asher un vulgaire trafiquant de drogue, un usurpateur, alors qu'il avait un esprit affûté, doté d'altruisme, luttant contre la pédopornographie...


MATRIX l'ultime prouesse technique

Parmi les clients d'Hank Asher nous retrouvons les forces de police fédérales de Floride, les agences de renseignements US, Interpol, Scotland-Yard ou encore la Gendarmerie Royale du Canada. En 1993 Hank Asher entamait une collaboration avec les forces de police fédérale de l'état de Floride (FDLE), devenant proche du patron, James T. Moore, celui-là même qui le présenta à Jeb Bush. Hank Asher avait logiquement fini par attiser la curiosité et l'intérêt de hauts officiels américains. Et le 24 Janvier 2003, lors d'un meeting à la Maison-Blanche, il rencontrait le vice-président Dick Cheney, le directeur du FBI Robert Mueller et Tom Ridge, directeur du département de la Sécurité intérieure des États-Unis C'est le gouverneur Jeb Bush qui introduisit Hank Asher à ses hôtes. Il fascinait le profane, même le vice-président des États-Unis, par son esprit novateur et sa capacité à rendre l'impossible possible. Il exposa en détail les capacités de sa machine MATRIX (Multistate Anti-Terrorism Information Exchange Program). Quelques mois après cette rencontre Tom Ridge annonçait un accord pour un essai de la technologie MATRIX sur une période de 1 an, coût de l'opération 12 millions de dollars = $8 millions (HHS) + $4 millions (DoJ). Brian Stafford, chef des services secrets de la sécurité intérieure HHS, notamment responsable de la sécurité de George W.Bush et de son entourage, qualifiait aussi la machine d'Hank de « moteur de recherche ultra-rapide ».



Peu après les attentats du 11 Septembre 2001 Hank Asher proposait ses services au FBI afin d'identifier les pirates de l'air, il disait :« Vous pouvez être accidentellement le voisin de Mohammed Atta » mais « vous ne pouvez pas être accidentellement le voisin de Mohammed Atta à deux reprises ». Après quelques jours de programmation et d'intense recherche, Hank Asher confiait au FBI une liste de 419 noms potentiellement impliqués dans les attentats. Il avait paramétré sa machine de manière intuitive et subtile : rechercher un musulman présent depuis 1 ou 2 ans sur le territoire américain. Ensuite il lui suffisait d'affiner la recherche avec d'autres requêtes comme l'âge par exemple. Le 16 septembre 2001 il réalisait une démonstration de sa technologie en présence d'un agent spécial du FBI, incluant une mise à jour de son système : le « facteur terroriste à haut risque ». C'est ce qui distinguait MATRIX de sa version commerciale Accurint.


Qui êtes vous ? Qui fréquentez-vous ? Quel est votre médecin ? Quel est votre avocat ? Comment dépensez-vous votre argent ? Quelle est le modèle et la couleur de votre véhicule ? Quelles sont les adresses où vous avez été domicilié ou même hébergé ? Où es vous ? Et votre famille, vos amis ? Aucune issue de secours, MATRIX is online !


Durant l'automne 2002 les États-Unis ont été horrifié par la folie d'un tireur qui sévissait dans les environs de Washington, tuant dix personnes au hasard. Après avoir semé la terreur pendant plusieurs mois, le dénommé John Allen Muhammad surnommé le « sniper de Washington » a été condamné puis exécuté en 2009. Il opérait à l'intérieur de son véhicule qu'il avait adapté en perçant un trou dans le coffre, pour lui permettre de positionner son arme puis tirer sans être repéré. Durant un long moment les forces de police ont concentré leurs efforts à contrôler tous les van de couleur blanc, identifié par des témoins comme étant le véhicule du sniper. Puis, une autre piste émergea, l'identité du tueur pourrait être celle d'un dénommé John Williams.


Voici l'entrée en piste de la machine d'Hank Asher, elle avait répertorié l'existence de 32.000 John Williams dans tous les États-Unis En affinant la recherche à l'aide de MATRIX, les 32.000 résultats ont été filtré à nouveau à travers des critères plus précis. Soudain, à l'écran, un nom apparaissait : John Allen Muhammad connu sous le nom de John Allen Williams. Tout était là, ses données personnelles, les adresses de ses amis et associés, ainsi que tous les endroits où il avait pu séjourné. Ils savaient où l'attendre et où le trouver. Il leur fallait encore identifier son véhicule. Un van blanc disait les témoins alors que MATRIX désigna un Chevrolet Caprice de couleur bleue, avec le numéro de la plaque minéralogique. Bingo ! Salvadore Hernandez, qui était alors agent du FBI à Miami, confirma le rôle important joué par MATRIX dans l'affaire du « sniper de Washington »


La DBT rachetée par ChoicePoint a été l'un des acteurs dans trois événements majeurs :

  • Les élections présidentielles 2000 via la purge des listes électorales.
  • Sous l'impulsion des travaux d'Hank Asher, le gouvernement américain acquiert les technologies Autotrack et MATRIX.
  • ChoicePoint a supervisé une partie des analyses ADN des victimes des attentats du 911 via sa filiale Bode Technologies. Cette compagnie a été acquise par ChoicePoint le 1er mai 2001

Ces quelques pièces de puzzle dessinent les contours d'un tableau très éclairant au prélude du 11 septembre 2001. Avant cela, il n'y avait alors aucune trace d'islamisme, assimilé au terrorisme, pour faire élire George Walker Bush.


Les élections les plus controversées de l'histoire moderne américaine auront duré 36 jours, tenant en haleine le monde entier, et rappelant à quel point l'arrivée fracassante de W. Bush au pouvoir allait changer l'Histoire. Durant ces 36 jours le camp républicain, ayant coopté l'état de Floride par conflit d'intérêts, n'a pas été capable de démontrer une volonté de transparence en permettant de procéder à un décompte manuel des votes complet et dans la sérénité. Ainsi le protocole présidentiel a suivi son cours, George W. Bush prenait possession de ses nouveaux bureaux à la Maison-Blanche, le 20 Janvier 2001, après avoir effectué son discours d'investiture et prêté serment sur la sainte Bible. Ce nouvel emploi, il le géra comme les précédents, à l'instinct, en menant le pays à la faillite financière et au chaos.




Désormais W. Bush pouvait s'atteler à la formation de son futur gouvernement. Il était essentiellement composé de proches collaborateurs ayant activement œuvré lors de sa campagne, d'anciens membres des administrations Reagan ou Bush père, représentant indirectement les intérêts de sociétés dans les télécommunications, tabac, électronique, chimie, finance, automobile, pétrole, pharmaceutique, énergie... La fameuse valse incessante de va-et-vient entre le monde des affaires et celui de la politique. L'influence sur nos vies de ce complexe mariage entre finance et politique est le nerf de la guerre, le poison qui gangrène le pouvoir et notre société. La mission d'un politicien est de représenter les citoyens et leurs intérêts, non pas de défendre les intérêts de leur portefeuille et ceux de la minorité opulente.


Dernière connexion W. Bush / ChoicePoint/DBT / Richard Armitage


Richard Armitage, nommé au poste de secrétaire d'Etat adjoint (2001-05), il a officié pour les présidents Reagan et Bush comme diplomate et au département de la Défense. Il a fondé en 1993 sa propre société, Armitage Associates L.C., (aujourd'hui Armitage International L.C.), une firme proposant des conseils pour le développement du commerce international des industries. En 2005 il devenait directeur de ManTech International Corporation (2005), il y exerçait déjà en tant que consultant (1995-2001). Cette société offre des services de technologies avancées au gouvernement américain. Le 10 Mai 2006 Richard Armitage intégrait le conseil d'administration de ConocoPhillips Co., le plus gros producteur indépendant de pétrole au monde.


Enfin Richard Armitage a été membre du conseil d'administration de ChoicePoint aux côtés de Kenneth Langone entre 1993 et 2000. Son passage chez ChoicePoint/DBT, achevé en mars 2000, produit un effet de promiscuité assez surprenant pour celui qui est devenu quelques mois après, secrétaire d'Etat adjoint du président W. Bush... ; celui qui a fait la guerre du Vietnam, celui qui était déjà impliqué dans le scandale de l'Irangate dans les années 1980, celui qui a rendu publique dans les médias la couverture de l'agent Valerie Plame Wilson (CIA) par l'intermédiaire du journaliste Robert Novak, l'un de ceux qui a rendu possible le discours à l'ONU relatif à l'existence d'armes de destruction massive en Irak, un speech prononcé par son collègue et supérieur, le secrétaire d'Etat Colin Powell.


A l'opposé de la méritocratie W.Bush est un opportuniste qui a eu recours à son patronyme pour se faire une place dans le milieu des affaires et de la politique avant de devenir le 43ème président des États-Unis. Loin d'être brillant, réfléchi ou de posséder un talent d'orateur, George W. Bush a su se distinguer par son caractère brut, affichant un air confiant, rassurant, et déterminé à accomplir son devoir. Un symbole, au mieux une image, car W. Bush n'a jamais possédé les qualités nécessaires pour réussir en affaires ou en politiques sans être téléguidé par son entourage et l'ombre de son père. Ainsi W. Bush était prêt à parachever la tâche de son cher « Poppy » puisque l'implication militaire américaine en Afghanistan et en Irak remontait aux années 1980, la période Reagan/Bush. Le nouvel ordre mondial est un thème qui a été introduit durant un discours prononcé par George H.W. Bush lors de la guerre du Golfe, le 11 septembre 1990.



Sources :

Vanity Fair : The Path to Florida, David Margolick, 19 mars 2014.
The Guardian : Cousin John's calls tipped election tally, Melinda Wittscott, 19 novembre 2000.
CBS News : One Call Too Many? 14 novembre 2000.
The Nation : Election Night From Hell, David W.Moore, 25 octobre 2006.
Libération : Fox News Channel cire les rangers aux GI, Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, 2 avril 2003.
Le Monde : La croisade de Fox News, Eric Leser, 27 janvier 2003.
House Commerce Committee Hearing on Network Coverage of Election Night 2000, 14 février 2001.
New York Times : COUNTING THE VOTE: MIAMI-DADE COUNTY; Protest Influenced Miami-Dade's Decision to Stop Recount, Dexter Filkins et Dana Canedy, 24 novembre 2000.
Washington Post : Miami 'Riot' Squad: Where Are They Now? Al Kamen,24 janvier 2005.
Miami Herald : Clay Roberts, of 2000 recount fame/infamy, is new DCA judge, Marc Caputo, 18 janvier 2007.
Libération : Etats-Unis : le vote tronqué, Jamin Raskin, 25 octobre 2004.
The Guardian : Timeline : US Elections 2000, 14 décembre 2000.
The 2017 Florida Statutes : Manual recounts of overvotes and undervotes, Chapter 102.166.
Palm Beach Post : Architect of felon voter purge behind Florida’s new limits, Dara Kam, 28 octobre 2012.
The Record Vol XVI. No. 4 : The newest judge at the first DCA : L. Clayton Mitchell, été 2007.
Le Record est le journal de l'association Appellate Practice Section of the Florida Bar.
South Florida Business Journal : Hank Asher's TLO confirms layoffs, Paul Brinkmann, 9 mai 2012.
South Florida Business Journal : TLO's Hank Asher: A one of a kind technology pioneer, dead at 61, Kevin Gale, 14 janvier 2013.
New York Times : Source of C.I.A. Leak Said to Admit Role, Neil Lewis, 30 août 2006.
Vanity Fair : The Net’s Master Data-miner, Michael Shnayerson, 2004.
Palm Beach Post : Boca Raton database pioneer Hank Asher dead at 61, Jeff Ostrowski, 11 janvier 2013.
ChoicePoint Public Records Inc. v. Seisint, Inc. and Henry Asher, Case No. 502001CA009260XXOCAO (15th Judicial Circuit, Palm Beach County, Florida). L'une des affaires opposant
Saint-Petersburg Times : FDLE hires former drug smuggler, Lucy Morgan, 2 août 2003.
Libération : Le sniper de Washington a été exécuté, 11 novembre 2009.
United States Census Bureau : Voting and Registration in the Election of November 2000, février 2002.


Frank D.

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